Luxatio. CD Review. Frankreich. Revue et Corrigee. Dezember 2015

VOCCOLOURS / EBERHARD
KRANEMANN
LUXATIO

Pierre DURR

http://www.revue-et-corrigee.net/?v=parutions&parution_num=106

Leo Records 2015, CD LR 720

LEO RECORDS LR 720 – DIST. ORKHÊSTRA Il est des enregistrements qui ravissent à plusieurs points de vue. D’abord pour le contenu. Après un premier enregistrement
(ZvuKlang) du quatuor vocal allemand VocColours, la deuxième production était attendue. Et puis il permet de découvrir une personnalité intéressante : celle du contrebassiste (mais qui s’occupe aussi d’électronique) allemand Eberhard KRANEMANN, qui les accompagne ici (c’est-à-dire lors d’un concert à Cologne en novembre 2014). Personnage étonnant que ce KRANEMANN, plutôt marginal, dans la mesure où, en dehors de quelques CDr de sa propre production (Kunsthaus Boltenberg), il y a peu d’enregistrements officiels… Il serait plutôt un performer, dont le parcours a croisé tout un pan de l’histoire plus ou moins récente de la musique allemande (et pas seulement de la musique, ni même allemande !), assez éloigné de l’environnement habituel du label britannique : membre en 1967/68 d’un groupe, Pissoff, auquel appartenait le futur Kraftwerk Florian Schneider-Esleben et qui s’est produit alors avec Josef Beuys, il a aussi occasionnellement (en 1972) joué avec Neu ! S’il a parcouru les décennies suivantes sous le nom de scène de Fritz Müller, il a croisé sur scène Laurie Anderson, John Zorn et s’est produit plus récemment avec NWW (cf. l’album LARSEN & NWW, erroneous a selection of errors sur Important records), avec Faust en 2009 au festival d’avant-garde puis dans le Critic Art Ensemble à la Documenta de Kassel en 2012… Luxatio donc. Le quatuor vocal mixte – influencé, rappelons-le, par la pratique revendiquée d’un Phil Minton (ils ont été membres de son Feral Choir) mais aussi par Koichi Makigami – est dans cette prestation plus assuré. La voix de chacun des quatre chanteurs/chanteuses semble plus individualisée, plus distincte de celles des trois partenaires, en oeuvrant dans des approches et registres différents, tout en se démarquant davantage du modèle mintonien. Et c’est sur cette variété que se greffent les interventions d’Eberhard KRANEMANN, tantôt aux effets électroniques, tantôt à la contrebasse, ou aux deux en même temps, à la recherche de combinaisons plus ou moins extrêmes, parfois en harmonie avec la (les) voix, plus souvent en des décalages peu conventionnels, mais toujours avec un sens judicieux de la confrontation, qui reste ludique et énergique.